CHÂTEAUX DE LA SEIGNEURIE DE CANY

 

Château-fort de Caniel

    Cette forteresse était située sur les bords de la Durdent, un peu en aval du bourg de Cany, et était évidemment destiné à défendre l’entrée de cette vallée contre un débarquement sur les rivages de la mer, qui n’est éloignée que de quelques kilomètres. Le château de Caniel fut construit à une époque sur laquelle, malgré nos recherches, nous n’avons pu recueillir aucun renseignement. Existait-il avant l’occupation de la Normandie par Philippe-Auguste, ou bien fut-il construit par ce prince ou ses successeurs ? nous l’ignorons. Ce que nous savons, c’est que, comme nous l’avons vu plus haut, il est mentionné dans les documents comme ayant été démoli par les anciennes guerres. Ces anciennes guerres doivent s’entendre des guerres avec l’Angleterre, qui durèrent plus d’un siècle, de 1336 à 1450 environ.

    Il n’en reste aujourd’hui que des vestiges. La chapelle qui servait de paroisse au château de Caniel et aux habitants du voisinage existe encore sous le nom de chapelle de Saint-Gilles ; elle dépendait de l’abbaye de Beaubec. La chapelle actuelle est du XVIIe siècle, elle a remplacé un édifice du XIIIe. Elle avait été vendue révolutionnairement, et fut rachetée et rendue au culte par le prince de Montmorency-Luxembourg.

 

Château ancien de Cany

    L’abbé Cochet mentionne " le vieux château, sis dans le bourg de Cany, près des halles, démoli au XVIIe ". Ce château est ainsi désigné dans le dénombrement du 27 août 1700 : " Le manoir seigneurial, sis dans le bourg de Cany, consistant en plusieurs bâtiments, sçavoir, escuries, vacheries, remises de carrosses, bucher, granges, colombier, pressoir et autres sortes de bâtiments, contient le nombre de douze acres une vergée, tant en pré, herbage que cour et jardin, borné d’un côté la grande rivière de Cany, d’autre côté la petite rivière de Cany. " C’était là sans doute l’habitation des seigneurs de Cany-Caniel avant la construction du château moderne. On voit par la date du dénombrement qu’il existait encore au commencement du XVIIIe siècle. Il dut être abandonné, vendu et dépecé depuis 1700 ; du moins on n’en trouve plus tard aucune mention.

 

Château moderne de Cany

    Ce château est construit, en amont du bourg de Cany, dans la prairie traversée par la Durdent et sur le territoire de Barville. Mais la seigneurie de Barville était réunie depuis longtemps à celle de Cany, et aujourd’hui les deux communes n’en faisant plus qu’une, l’appellation de château de Cany est parfaitement justifiée. Il fut bâti de 1640 à 1646. La date extrême de la construction nous est donnée par l’acte de la visite de la chapelle du château, faite par Nicolas de Paris, vicaire général de François I de Harlay, archevêque de Rouen, en 1646.

    Le château est un édifice remarquable, construit en briques et pierres, style Louis XIII. On y admire l’agencement plein d’élégance des deux sortes de matériaux et l’harmonie des détails d’ornementation, qui en font une des belles constructions de cette époque. L’architecte est resté inconnu. Le château s’élève au milieu de la vallée de la Durdent, bordé des deux côtés de coteaux couverts d’arbres de haute futaie. La vaste cour qui précède l’entrée offre à droite et à gauche une ligne de bâtiments qui forment les communs de château. A une extrémité est la chapelle, et en face la demeure du régisseur. On entre dans la cour d’honneur par un pont de pierre (autrefois un pont-levis), qui traverse les fossés toujours pleins d’eau dont le château est entouré. Au fond de cette cour se dresse un beau perron à double volée qui donne accès aux appartements. L’édifice, à deux étages avec mansardes, présente un corps de logis central garni de sept fenêtres et flanqué de deux pavillons en saillie, ayant chacun deux fenêtres. Derrière le château s’étend sur plus d’un kilomètre de longueur, le parc avec ses arbres magnifiques et ses vastes pièces d’eau alimentées par la Durdent.

    Le château de Cany conserve encore en grande partie son ameublement ancien. Cette particularité, très rare depuis les pillages ou les confiscations de la Révolution, provient de ce que Armande de Becdelièvre sut, comme nous l’avons dit, mettre son domaine de Cany à l’abri d’une saisie.

    Une des curiosités que renferme le château, ce sont les tapisseries flamandes du XVe siècle destinées à la décoration des appartements. Nous les décrirons sommairement : 1° une tenture en trois pièces renferme les effigies des vertus et des vices, désignées par leurs attributs et des inscriptions, et entremêlés, des personnages bibliques. Ainsi, au-dessus de timor (crainte) et humilitas (humilité), on voit Daniel agenouillé devant Nabuchodonosor, et Abraham avec les trois anges ; au-dessus de fortitude (courage) est Judith devant Holopherne, etc. ; 2° une autre pièce représente des scènes historiques avec de nombreux personnages, dont l’attribution est douteuse ; 3° l’histoire de Psyché en trois parties, tenture très curieuse à cause des costumes et de l’ameublement, qui se rapportent à l’époque de Charles VI et Charles VII ; 4° un sujet inconnu, représentant une salle dans un palais, avec des personnages costumés comme sous Louis XI ; ces tapisseries peuvent être rangées parmi les plus rares et les plus précieuses qui soient sorties des fabriques flamandes du XVe siècle ; 5° un autre sujet, non moins curieux et aussi d’origine flamande, mais d’une date plus récente (commencement du XVIe siècle), c’est un départ pour la chasse, charmant tableau de genre.

    Ces tapisseries viennent d’être restaurées par les soins de M. le baron d’Hunolstein et ont figuré en 1880 à l’exposition du musée des Arts Décoratifs.

.

Page précédente  |  Sommaire