CHRONOLOGIE HISTORIQUE DES SEIGNEURS DE CANY

Seigneurs de Cany-Caniel

Gilbert de Falaise

    Le premier seigneur de Cany dont nous trouvions le nom est un normand, GILBERT DE FALAISE, seigneur de Cany, lequel donna, vers 1130, un prieuré à Longueville, les églises et dîmes de plusieurs paroisses du pays de Caux, Ocqueville, Angiens, Ouville, Petitville, lesquels appartenaient encore à ce prieuré en 1790.

 

Manassès Bizet

    Sa sœur AALIZ, devenue son héritière, porta, à son mari, MANASSÈS BIZET, la lettre de Cany. Ce Mannassès Bizet figure sous le titre de Dapifer (sénéchal ?) du roi d’Angleterre Henri II, dans plusieurs chartes de ce prince, qui témoignent de la haute situation qu’il occupait à la cour. Il était mort quand Henri II, vers 1170, donna au prieuré de Longueville des lettres portant confirmation des donations et privilèges qu’il avait reçus antérieurement. On y lit qu’à Angiens, une masure provenait " du don d’Aaliz de Cany et de Henry Bizet (son fils) ".

 

Henry Bizet

    HENRY BIZET, héritier de sa mère, fut le dernier seigneur normand de Cany. Il était maréchal d’Angleterre. Son dernier acte fut la donation de la chapelle du château de Caniel dédiée à Saint-Gilles, à l’abbaye de Beaubec en 1211. Cette abbaye la possédait encore en 1790.

 

Rois de France

    Après la conquête de la Normandie par Philippe-Auguste, une partie des seigneurs refusa de rendre hommage au nouveau souverain. Leurs terres durent alors être saisies et faire retour au seigneur suzerain. C’est ce qui explique, sans avoir besoin de supposer que " les seigneurs de Cany s’étaient éteints dans l’exil, les cloîtres et les champs de bataille ", ainsi que l’auteur des Eglises de l’arrondissement d’Yvetot l’imagine, comment la seigneurie de Cany-Caniel dépendit, dès les premières années du XIIIe siècle, du domaine de la couronne de France.

 

Pierre de Chambly

    En août 1305, Philippe-le-Bel donna à " PIERRE, sire de CHAMBLY, son amé féal chevalier et chambellan, pour lui et ses hoirs, nés et à naître d’Ysabeau de Rosny, sa femme ", la terre de Caniel, moyennant une redevance annuelle de 1 100 livres. Le roi se réservait le plaid de l’épée, c’est à dire la haute justice, et l’hommage des nobles, c’est à dire la mouvance des fiefs.

    Quelques années plus tard, le 29 juin 1318, Philippe V, le Long, révoqua, de l’avis des prélats et barons du royaume, les dons faits par les successeurs de Saint-Louis, et le 24 février 1320, un arrêt du Parlement prescrivit, en conséquence, que les châteaux, terres et droits, qui avaient été l’objet de donations de la part de Philippe-le-Hardi et de Philippe-le-Bel, feraient retour au domaine de la couronne. La terre de Cany-Caniel est désignée nominativement dans l’arrêt.

 

Matthieu de Trie

    Charles IV, le Bel, en 1324, sans aliéner le fond, accorda à MATTHIEU DE TROIE, maréchal de France, la jouissance viagère des revenus de Cany-Caniel. Philippe VI de Valois amplifia cette faveur, en accordant, par lettres données en 1338, que la jouissance des revenus de Cany-Caniel serait attribuée, jusqu’à concurrence de 2 000 livres de rente, à former le douaire de Ide de Mauvoisin, dame de Rosny, femme du maréchal de Trie, si elle survivait à son mari. Celui-ci étant mort, le roi Jean II confirma, en août 1352, cette donation en faveur de sa veuve, qui en jouit jusqu’à son décès arrivé en 1370.

 

Pierre et Robert d’Alençon

    La seigneurie de Cany-Caniel, qui faisait partie du domaine royal depuis Philippe-Auguste, en fut distraite en 1370, pour en rester désormais séparée.

    Pierre, comte d’Alençon, et Robert, comte du Perche, tous deux fils de Charles de Valois, lequel était petit-fils de Philippe-le-Hardi, possédaient, en qualité de seigneurs de Porhoët en Bretagne, le château de Joscelin, place importante, située au cœur de cette province. Le roi Charles V, désirant s’assurer cette position pour contenir l’humeur remuante de Jean de Montfort, duc de Bretagne, proposa à ses cousins de l’échanger contre plusieurs seigneuries situées en France. Les lettres d’échange furent passées le 14 mai 1370. Le roi s’y exprime ainsi : " … Ayant trouvé que moult nécessaire estoit d’avoir en nostre main le chastel, ville et chastellenie du Chastel-Joscelin en Bretagne, avec leurs appartenances, lesquelles sont à nos très chers et féaux cousins les comtes d’Alençon et du Perche, nous en avons fait parler à nosdits cousins qu’ils nous voulussent bailler et transporter lesdits chastel, chastellenies et appartenances, par échange d’autres terres que nous leur ferions bailler pour ce ailleurs en nostre royaume ; à laquelle chose ont nosdits cousins, pour l’honneur et amour de nous et pour le bien commun de nostre royaume, volontiers encliné et entendu, et sur ce a esté traité et accordé entre nous d’une part et nosdits cousins d’autre, en la manière qu’il s’ensuit… "

    L’échange de Joscelin se fit pour les châteaux et châtellenies d’Exmes et de Caniel, et 4 000 livres tournois de rentes, assises au plus près de ces châteaux, 2 000 livres pour chacun. Les 2 000 livres du château de Caniel furent assises en partie dans les environs de Cany et de Canville, en partie dans la baronnie de Montpinçon, dépendant de la vicomté de Falaise, en vertu des lettres de mai 1373.

    Cany-Caniel resta indivis entre les deux frères, PIERRE et ROBERT D’ALENÇON.

    Robert, comte du Perche, mourut en 1377, sans laisser d’enfant mâle ; son fils Charles étant mort avant lui, et sa fille Isabelle, religieuse à Poissy, mourut elle-même deux ans après son père. Sa veuve Jeanne de Rohan, eut son douaire assigné sur Cany-Caniel. Elle en jouit pendant son veuvage et après son mariage avec Pierre d’Amboise, vicomte de Thouars.

 

Jean 1er duc d’Alençon

    Après la mort de Jeanne de Rohan et celle de Pierre, comte d’Alençon, frère aîné de Robert et son héritier, arrivée le 20 septembre 1404, Cany-Caniel échut à son fils unique, JEAN 1er , créé duc d’Alençon en janvier 1414. Celui-ci avait épousé Marie de Bretagne et fut tué à Azincourt en 1415.

 

Jean II duc d’Alençon

    Son fils Jean II hérita de ses domaines. Mais l’occupation de la Normandie par le roi d’Angleterre, Henri V, auquel le duc d’Alençon refusa de se soumettre, le priva de la terre de Cany-Caniel, qui fut donnée par ce monarque, en janvier 1419, à un chevalier anglais, Christopher Curban ou mieux Curwen. Les lettres patentes du roi d’Angleterre sont assez intéressantes pour que nous en donnions ici les passages principaux : " Henri, roi d’Angleterre et de France, etc.…. Sachez que pour le bon service que notre cher Christophe Curwen nous a fait, nous lui avons donné et concédé le château et la terre de Cany-Caniel avec le domaine qui en dépend dans le bailliage de Caux, lesquels appartenaient à la duchesse de Bavière, rebelle jusqu’ici contre nous, ainsi qu’on le dit, pour être les dits château et terres possédés et occupés par le dit Christophe et ses héritiers nés de lui jusqu’à la valeur de mil quatre cents francs seulement… moyennant hommage et obligation de nous rendre un fer de lance dans notre château de Rouen à la fête de Saint-Jean ; pourvu aussi que le dit Christophe et ses héritiers soient tenus de fournir trois hommes d’armes et six archers à leurs frais pour chevaucher avec nous durant la présente guerre… En présence du roi, dans sa ville de Rouen, le 30e jour de janvier (1419) ". Christophe Curwen en rendit hommage et aveu à son souverain le 12 août suivant. Il est à remarquer que, dans cet aveu, le nouveau possesseur affecte, comme Henri V dans ses lettres-patentes, de ne pas citer le nom de Jean, duc d’Alençon, mais celui de sa sœur Catherine, mariée au duc de Bavière, comme ayant possédé la terre de Cany.

    Après l’expulsion des anglais, Jean II, duc d’Alençon, rentra dans ses domaines, dont il jouit jusqu’à sa disgrâce suivie du procès qui lui fut intenté comme complice de la rébellion du dauphin, et dont l’issue fut sa condamnation à mort. Cette peine fut commuée en une prison perpétuelle.

 

Catherine d’Alençon

    C’est alors que, CATHERINE D’ALENÇON, sa sœur, marié en premières noces à Pierre, infant de Navarre, puis à Louis-le-Barbu, duc de Bavière-Ingolstadt, jouit de la terre de Cany-Caniel jusqu’à sa mort, arrivée le 22 juin 1462. Elle en avait fait hommage au roi en 1450.

 

Jean II d’Alençon ( 2ème fois)

    Le duc JEAN II, ayant été réhabilité par lettres de Louis XI du 11 octobre 1461, reprit possession de ses terres ; mais arrêté de nouveau en 1472 comme allié secret des Anglais, il fut une seconde fois condamné à mort en 1474 et remit en prison, où il mourut en 1476.

 

René duc d’Alençon

    RENÉ, duc d’Alençon, son fils, lui succéda dans la terre de Cany-Caniel. Le 26 juin 1484, il donna des lettres de commission au bailli de la seigneurie de Cany-Caniel, pour contraindre les habitants sujets au droit de gué, à payer ce droit dont ils cherchaient à s’affranchir. René mourut le 1er novembre 1492. Il avait épousé Marguerite de Lorraine, fille de René II, comte de Vaudemont.

 

Guillaume, Charles et Jean du Bec

    René d’Alençon laissait un fils, CHARLES, dernier duc d’Alençon, auquel il ne transmit pas intacts ses droits sur Cany-Caniel. Il avait engagé cette terre pour la somme de 12 000 écus d’or à GUILLAUME DU BEC, chevalier. Cet engagement avait eu lieu longtemps avant la mort de René, puisque CHARLES DU BEC, fils aîné de Guillaume, reçu conseiller clerc au Parlement de Paris en 1482, et mort curé de la paroisse de Saint-Paul en 1501, était seigneur de Cany-Caniel en 1489, ainsi que l’atteste la foi et hommage qu’il en rendit au roi. Il céda ses droits, de son vivant, à JEAN DU BEC, chevalier, son frère, qui en fit lui-même la foi et hommage au roi en 1498. Le même Jean du Bec, ayant été molesté dans l’exercice de la juridiction de Cany-Caniel par les officiers du bailliage de Caux, présenta une requête à la chambre des Comptes de Paris, le 8 avril 1503, pour obtenir l’extrait des actes d’échange entre le roi Charles V et les comtes d’Alençon de 1370 et de l’assiette des revenus de la seigneurie de Cany-Caniel faite en 1372 ; ce qui lui fut accordé comme engagiste de cette terre.

    Toutefois, elle ne resta pas longtemps aux mains des du Bec. Jean du Bec étant mort en 1509, la veuve de René, duc d’Alençon, Marguerite de Lorraine, comme tutrice de leurs enfants, obtint un arrêt du Parlement de Rouen, en date du 13 juillet 1509, contre Marguerite de Roncherolles, veuve de Jean du Bec et tutrice de ses enfants. Cet arrêt, entérinant des lettres royales, adjugea à la duchesse douairière d’Alençon, au nom de ses enfants, Charles, Françoise et Anne, la terre de Cany-Caniel, moyennant le remboursement à la veuve de Jean du Bec de la somme de 12 000 écus d’or, sans dépens.

 

Charles duc d’Alençon

    CHARLES, duc d’Alençon, devenu seigneur de Cany-Caniel, en fit hommage au roi la même année 1509 et en jouit jusqu’à ce que sa mort, arrivée en avril 1525, peu après la bataille de Pavie, où il avait été fait prisonnier. Il réussit à s’échapper et vint mourir en France. Charles était beau-frère du roi François 1er, par son mariage avec la célèbre Marguerite d’Angoulème, sœur de ce roi. Il n’en eut pas d’enfants.

    En janvier 1523 (1524), il avait séparé la baronnie de Caniel de la seigneurie de Cany-Caniel, en faveur de Charles, bâtard de René d’Alençon, son père. Il forma cette baronnie de terres d’une valeur de 600 livres de revenus, à prendre sur les terres de Cany, et en ordonna l’assiette par lettres du 23 janvier de la même année. Cette assiette fut faite et approuvée par lui en avril suivant.

 

Françoise et Anne d’Alençon

    Après la mort de Charles, duc d’Alençon, arrivée, comme nous l’avons dit, en avril 1525, son héritage patrimonial fut recueilli, moins les terres attribuées à la baronnie de Caniel, par ses deux sœurs, FRANÇOISE et ANNE D’ALENÇON, pendant que ce qui était biens domaniaux et apanages fit retour à la couronne. Cany fut considéré comme terre patrimoniale, cédée à la maison d’Alençon en échange d’autres terres patrimoniales. Nous verrons plus loin que cette qualité de terre patrimoniale fut contestée à Cany.

Les deux sœurs et héritières de Charles, Françoise, femme de Charles de Bourbon, duc de Vendôme et bisaïeule du roi Henri IV, et Anne, veuve de Guillaume, marquis de Montferrat, obtinrent, le 13 juin 1525, un arrêt du Parlement de Rouen, les autorisant à prendre possession des terres patrimoniales de l’héritage de leur frère. Elles jouirent par indivis de la terre de Cany, en firent foi et hommage au roi, et en présentèrent l’aveu et le dénombrement, vérifié en la Chambre des Comptes de Paris le 4 juin 1543.

La possession indivise continua, après la mort de Françoise d’Alençon, duchesse de Vendôme, entre son fils Antoine de Bourbon, père de Henri IV, et Anne d’Alençon, marquise de Montferrat, sa sœur, jusqu’au 22 juillet 1556. A cette date, Anne vendit sa moitié de la terre de Cany à Nicolas Puchot, sieur de Gerponville et vicomte de Rouen. Mais celui-ci ne jouit pas longtemps de sa nouvelle acquisition, car le 30 août suivant, en vertu de clameur lignagère de Charles de Bourbon, cardinal de Vendôme, archevêque de Rouen, agissant comme héritier d’Anne d’Alençon, sa tante, la portion de Cany-Caniel, vendue à Nicolas Puchot, fut remise au cardinal, moyennant la somme de " huit mille livres tournois, prix principal de la dite vendue, et dix écus pour le vin d’icelle. "

 

Jean de Bourbon, comte de Soissons

    Par ce retrait, la seigneurie de Cany-Caniel revint à JEAN DE BOURBON, comte de Soissons, un des fils de Françoise d’Alençon, duchesse de Vendôme, lequel prit le titre de baron de Cany-Caniel dans son contrat de mariage, du 14 juin 1557, avec Marie d’Estouteville.

 

Louis de Bourbon, prince de Condé

    Après la mort de Jean, comte de Soissons, tué à la bataille de Saint-Quentin le 10 août 1557, sa veuve jouit pour son douaire des revenus de Cany, dont la propriété revient à LOUIS DE BOURBON, prince de Condé, frère du comte de Soissons.

    Quelques années après, les héritiers de Françoise d’Alençon, réussirent à terminer un différend qui durait depuis près de quarante ans. Voici quel en était l’objet : Après la mort de Charles, duc d’Alençon, arrivée en 1525, sans qu’il laissât d’enfants, le procureur général du roi fit saisir ses terres et seigneuries, prétendant qu’elles étaient domaniales et devaient faire retour à la couronne. Les héritiers du duc s’opposèrent à cette saisie, et un procès fut entamé devant le Parlement de Paris. Il n’était pas encore jugé en 1558. Le roi Henri II voulut alors mettre fin aux débats, et chargea quelques-uns de ses conseillers d’examiner la question, pour arriver à une transaction. Elle fut, à cette époque, arrêtée et consentie entre les parties, mais non rédigée par écrit. La mort de l’aîné des trois héritiers, Antoine de Bourbon, roi de Navarre, laissant des enfants mineurs, sous la tutelle de Jeanne d’Albret, sa veuve, obligea à lui donner une forme authentique ; ce qui eut lieu en février 1563, aux conditions suivantes :

    " Les héritiers de Charles d’Alençon abandonnent purement et simplement au roi et à la couronne tout ce qu’ils pouvaient prétendre sur le duché d’Alençon, le comté du Perche, etc. Le roi, de son côté, leur délaisse et transporte, si besoin est, les autres terres énumérées dans l’acte et en particulier " la terre de Cany-Caniel, avec ses appartenances et dépendances. "

    Cette transaction fut homologuée par lettres patentes de Charles IX, le 22 décembre 1563, et enregistrée au Parlement de Paris, le 26 janvier 1564.

 

Henri de Bourbon, prince de Condé

    Après la mort de Louis, prince de Condé, tué à Jarnac en 1569, HENRI DE BOURBON, prince de condé, son fils, hérita de ses droits. Le cardinal Charles de Bourbon, archevêque de Rouen, son oncle, administrateur de ses biens, renouvela en cette qualité, pour neuf années, le 15 juillet 1570, le bail de la terre et haute justice de Cany à Me Nicolas Leclerc. Henri de Condé, devenu majeur, obtint, en novembre 1577, des lettres patentes de Henri III, qui confirmaient de la manière la plus étendue ses droits de seigneur haut justicier de Cany. Ce prince ne jouit pas longtemps de sa seigneurie, étant mort en 1588, peu de temps après son mariage avec Charlotte de la Trémoille.

 

Charles de Bourbon, cardinal

Son frère, CHARLES II DE BOURBON, archevêque de Rouen et cardinal comme son oncle, hérita de Cany ou plutoit reprit ses droits sur cette seigneurie qu’il avait cédée à son aîné.

 

Françoise d’Orléans, prince de Condé

    Le 20 juillet 1594, peu de temps avant sa mort, le cardinal de Bourbon transporta à la princesse douairière de Condé, FRANÇOISE D’ORLÉANS-LONGUEVILLE, sa belle-mère, seconde femme de Louis, prince de Condé, tous ses droits sur plusieurs terres et baronnies, parmi lesquelles " la terre, seigneurie, fief et haute justice de Cany-Caniel, pour en jouir en pleine propriété par la dite dame et ses hoirs. "

 

Charles de Reffuge

    Ce fut sous Françoise d’Orléans-Longueville que Cany cessa d’avoir pour seigneurs des princes de la maison royale.

    Jean de Bourbon, comte de Soissons et seigneur de Cany, comme nous l’avons vu, en 1557, était débiteur de Christophe de Reffuge, superintendant de ses affaires et de sa maison, pour une somme de 38 000 livres. Les tentatives, pour obtenir le paiement, étant depuis longtemps restées infructueuses, CHARLES DE REFFUGE, son fils, menaça de faire saisir et décréter toutes les terres provenant de la succession du comte de Soissons. Alors intervint une transaction. Françoise d’Orléans, princesse douairière de Condé, autorisa, par acte du 4 avril 1598, Charles de Reffuge à vendre la terre de Cany-Caniel et d’en toucher le prix jusqu’à concurrence de 37 000 livres, le surplus devant lui revenir. Elle confirma, le 3 octobre suivant, l’autorisation donnée à Charles de Reffuge, qui se trouvait arrêté par l’opposition de Charlotte de la Trémoille, princesse de Condé, comme tutrice de son fils. Afin d’éviter les chicanes, elle établit Charles de Reffuge son procureur, pour faire saisir et mettre en vente la terre de Cany. Celui-ci mourut avant d’avoir accompli son mandat. Ses deux filles, Angélique de Reffuge, femme de Louis Le Marinier, seigneur de Cany-Barville, et Anne de Reffuge, du consentement de Françoise d’Orléans, par acte du 11 décembre 1608, subrogèrent à leurs droits sur la terre de Cany-Caniel. Suzanne de Monchy, dame douairière de Bréauté, laquelle, agissant comme tutrice et au nom d’Adrien-Pierre de Bréauté, son petit-fils, acquit cette terre moyennant la somme de 40 000 livres.

 

Adrien-Pierre, sire de Bréauté

    Ainsi, ADRIEN-PIERRE, SIRE DE BRÉAUTÉ, chevalier, seigneur de Néville, vicomte de Hotot, premier écuyer de la reine Marie de Médicis, devenu seigneur haut justicier de Cany, rendit foi et hommage au roi devant la Chambre des Comptes de Normandie, le 14 août 1621, pour la terre, seigneurie et haute justice de Cany-Caniel. Il fut tué devant Bréda en octobre 1624, sans laisser d’enfants de Suzanne de Monceau d’Auxi.

 

Adrien, sire de Bréauté

    Son oncle, ADRIEN, SIRE DE BRÉAUTÉ, marié à Françoise de Roncherolles, fut l’héritier d’Adrien-Pierre. Il obtint arrêt du conseil en août 1634 pour être maintenu dans la possession de la terre de Cany, qu’il vendit, par acte du 18 août 1634, à Pierre Le Marinier, fils de Louis Le Marinier et d’Angélique de Reffuge.

 

Pierre Le Marinier

    PIERRE LE MARINIER , chevalier, déjà seigneur de Cany-Barville et de Cany-Caniel, acquit le 13 mai 1648, du dernier héritier du bâtard d’Alençon, la baronnie de Caniel, et réunit ainsi dans sa main toutes les seigneuries portant le nom de Cany. C’est lui qui fit construire, dans la vallée de la Durdent, de 1640 à 1646, le magnifique château qui depuis a servi d’habitation aux seigneurs de Cany. Il rendit hommage en la Chambre des Comptes de Normandie, le 10 mars 1649, de Cany-Caniel. Plus tard, le 26 novembre 1660, il présenta au roi l’aveu et le dénombrement des deux seigneuries de Cany-Barville et de Cany-Caniel. Il avait épousé Hélène de Grangier.

 

Balthazar Le Marinier

    Son fils, BALTHAZAR LE MARINIER, chevalier, fut après la mort de son père, arrivée au commencement de 1662, seigneur de Cany-Caniel, Barville, etc., et rendit hommage, en cette qualité, devant la Chambre des Comptes de Normandie, le 19 août 1662. Il présenta ensuite au roi, le 2 avril 1666, l’aveu et le dénombrement de sa seigneurie. Ce dénombrement paru à la même Chambre des Comptes exiger une enquête pour informer sur son contenu. On doutait de l’existence des allégations qui y étaient énoncées, et dont quelques-unes semblaient empiéter sur le domaine royal. Cette enquête fut faite à Cany, le 24 septembre 1666, par le bailli de Caux et le lieutenant civil et criminel du bailliage. Elle établit les droits des seigneurs de Cany, et la Chambre des Comptes de Normandie, par son arrêt du 9 juin 1668, donna main-levée à Balthazar Le Marinier et approuva, sauf quelques réserves toutes de forme, le dénombrement par lui présenté. Ce seigneur fit dresser, en janvier 1678, le papier terrier de la seigneurie et haute justice de Cany-Caniel.

    Il avait épousé, en 1663, Geneviève de Becdelièvre, fille de Pierre 1er de Becdelièvre, marquis de Quevilly, et sœur de Pierre II, qui devint plus tard seigneur de Cany. En 1683, Balthazar Le Marinier vendit à son beau-père la seigneurie de Cany-Barville. Il mourut en 1699.

 

Nicolas-Balthazar Le Marinier

    Son fils, NICOLAS-BALTHAZAR LE MARINIER, chevalier, fut après lui seigneur, châtelain, haut justicier et baron de Cany-Caniel, et en cette qualité rendit foi et hommage au roi, le 4 septembre 1699, présenta, le 27 août de l’année suivante, l’aveu et le dénombrement de cette seigneurie en la Chambre des Comptes de Normandie, par arrêt du 16 mars 1701. Nicolas-Balthazar, dont le père avait été forcé de vendre la seigneurie de Cany-Barville, vit celle de Cany-Caniel saisie et décrétée en 1709 par Michel Chamillart, ministre d’Etat sous Louis XIV. Mais le 30 juin 1713, Pierre de Becdelièvre, frère de Geneviève, mère de Nicolas-Balthazar, et déjà seigneur de Cany-Barville, en opéra le retrait et réunit de nouveau dans sa main toute la seigneurie de Cany.

 

Pierre de Becdelièvre

    PIERRE II DE BECDELIÈVRE , chevalier, marquis d’Hocqueville, président de la Chambre des Comptes de Normandie, ayant acquis la seigneurie de Cany, le 30 juin 1713, en présenta le 17 avril 1723, l’aveu et le dénombrement. Il mourut le 14 octobre 1726, sans enfants de Françoise Le Boultz, et fut enterré dans l’église de l’hôpital de Grainville-la-Teinturière, qu’il avait fondé en 1692 et confié à des religieuses de la Charité en 1704.

 

Claude de Becdelièvre

    La seigneurie de Cany passa alors à son neveu Claude, fils aîné de Thomas de Becdelièvre, marquis de Quevilly, seigneur de Brumare.

    CLAUDE DE BECDELIÈVRE, marquis de Quevilly, vicomte de Blosseville, puis président à mortier au Parlement de Normandie, succéda à son oncle Pierre dans la seigneurie de Cany. Il avait épousé : 1° en 1703, Marguerite Bouchard, de Blosseville et 2°, en janvier 1728, Marie-Angélique du Moucel de Loraille. Il mourut peu de temps après ce second mariage, le 8 octobre 1728, sans enfants d’aucune de ses deux femmes. Il laissa Cany à son frère puîné, Louis, le septième des fils de Thomas de Becdelièvre.

 

Louis de Becdelièvre

    LOUIS DE BECDELIÈVRE, frère et héritier de Claude, se qualifia marquis de Cany, quoique cette terre n’ait jamais été érigée en marquisat. Il était conseiller au Parlement de Rouen. Le 27 septembre 1736, il obtint de la Chambre des Comptes de Normandie un arrêt de surséance pour rendre foi et hommage des seigneuries dont il avait hérité. Il se maria quatre fois et n’eut qu’un fils de son troisième mariage qu’il avait contracté en 1717 avec Anne-Henriette-Catherine Toustain, dame d’Héberville. Louis de Becdelièvre mourut le 4 novembre 1740.

 

Pierre-Jacques-Louis de Becdelièvre

    PIERRE-JACQUES-LOUIS DE BECDELIÈVRE, fils unique de Louis, marquis de Quevilly et de Hocqueville, dit le marquis de Cany, était né le 2 avril 1718. Après la mort de son père, il hérita de toutes ses terres et en rendit foi et hommage au roi le 7 août 1748. Il acquit, le 22 juin 1754, de Charles-Adrien de Lombard, écuyer, procureur du roi au bailliage de Cany, et opéra, par retrait féodal, la retour à sa seigneurie de Cany de la châtellenie d’Anglesqueville, démembrée en 1617 de la baronnie de Caniel, réunissant ainsi dans sa main l’exercice de toutes les juridictions de sa seigneurie. Pierre-Jacques-Louis de Becdelièvre avait épousé, le 1er septembre 1733, Charlotte Paulmier de la Bucaille, dame de Prêtreval, laquelle mourut en 1754. Il lui survécut longtemps, n’étant décédé que le 5 octobre 1771. Il avait deux fils et trois filles. Mais Louis-Pierre, l’aîné, était mort avant son père, le 29 mai 1767.

 

Anne-Louis-Roger de Becdelièvre

    ANNE-LOUIS-ROGER DE BECDELIÈVRE, fils puîné de Pierre-Jacques-Louis, naquit le 13 avril 1739. Il entra d’abord dans l’ordre de Malte. Il fut successivement, page du roi, lieutenant et capitaine de dragons, chevalier de Saint-Louis et brigadier des armées royales. Il épousa le 18 juin 1768, Elisabeth-Marie Boutren d’Hattenville, dame de Catteville, de Grosmesnil, etc. Devenu seigneur de Cany après la mort de son père, il vécut jusqu’au 26 juin 1789, laissant deux filles qui se partagèrent la succession. L’aînée, Armande-Louise-Marie, née le 20 juillet 1769, avait épousé le 18 janvier 1789, Anne-Christian de Montmorency-Luxembourg, comte de Luxembourg ; la cadette, Marie-Henriette, émancipée lors de la mort de son père, épousa, en 1797, Anne-Louis-Christian, prince de Montmorency, cousin de précédent.

 

Armande-Louise-Marie de Becdelièvre, comtesse de Montmorency-Luxembourg

    ARMANDE-LOUISE-MARIE DE MONTMORENCY-LUXEMBOURG eut dans sa part la terre de Cany et son château. En 1792, son mari ayant été porté sur la liste des émigrés, elle eut recours, pour sauver sa fortune de la confiscation, à un moyen dont cette époque néfaste offre quelques exemples. Elle demanda le profit de la loi du divorce, récemment promulguée, et son mariage fut annulé. Elle put ainsi conserver Cany. Elle n’en fut pas moins plus tard emprisonnée avec sa sœur, comme aristocrate, mais sa captivité ne fut pas de longue durée. Le château de Cany, occupé par un régisseur, avait été mis en réquisition. Elle obtint en 1795 qu’il lui fût restitué. Elle réussit également, en 1801, à faire rayer son mari de la liste des émigrés. Elle put alors, en 1802, contracter un nouveau mariage avec lui devant le magistrat, quoique leur premier mariage n’eût jamais pour eux été rompu que devant la loi civile. Le comte de Luxembourg, devenu le duc de Beaumont, mourut en 1825. La duchesse lui survécut jusqu’au 27 juillet 1832. Ils avaient deux fils : Anne-Edouard-Louis-Joseph de Montmorency-Luxembourg, prince de Luxembourg, et Anne-Charles-Maurice-Marie-Hervé de Montmorency-Luxembourg, comte de Luxembourg.

    L’aîné épousa Léonie de Croix de Dadizeele, et eut deux filles : Anne-Marie-Josèphe, mariée au baron d’Hunolstein, et Anne-Marie-Eugénie-Justine, au vicomte de Durfort de Lorge. Le cadet, comte de Luxembourg, n’ayant pas été marié, la terre de Cany et ses dépendances fut partagée entre les deux filles de l’aîné : Mme la baronne d’Hunolstein eut le château de Cany, et Mme la vicomtesse de Durfort, le château de Catteville.


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